Tenkan exprime l’idée de changement. Il serait aisé de penser que le changement dont il est question revient tout simplement à pivoter sur un pied ou un autre pour changer de direction et ainsi esquiver une attaque. On voit bien souvent des pratiquants s’entraîner dans le vide à avancer et pivoter autour d’une l’attaque imaginaire dans les séances de préparations. En faisant cela, ils négligent une idée essentielle de l’aïkido, une idée qu’ils se plaisent pourtant à rappeler, celle d’être au centre du mouvement. Ils tournent le plus rapidement possible autour de aïte qui, de fait, se retrouve à occuper le centre de la roue des énergies en mouvement. En esquivant de cette façon, l’aïkido est de plus ramené à des préoccupations de rapidité, ce qui ne devrait jamais être le cas.
Je pense que Tenkan exprime la volonté de changer l’attaque droite, linéaire qui arrive sur nous, en un mouvement circulaire dont il convient d’occuper le centre. Et ainsi, immobile comme le moyeux de la roue, il n’est plus question de rapidité. Personne n’est plus rapide que celui qui est déjà idéalement placé et n’a pas à se mouvoir. C’est bien parce que le centre de la roue est immobile que la roue peut tourner. Imaginez un vélo dont les moyeux se déplaceraient continuellement le plus rapidement possible. La conduite, l’équilibre seraient totalement impossibles. Tenkan exprime donc le changement de direction, le déplacement de Uke par la force d’immobilité de Tori. Cette notion me paraît essentielle pour bien saisir le sens du travail, et sortir l’aïkido du piège d’une compréhension sportive privilégiant force et rapidité. Si ces aptitudes physiques étaient des critères valables, comment expliquer que notre aïkido s’améliore avec la vieillesse?