Je sais bien que la comparaison de l’aïkido avec un sport relève du sacrilège et qu’elle disqualifie quiconque s’y aventure. Mais transgressons quelques instants.
Pour remporter une course de 100 mètres, la réponse première, la plus pratiquée et la plus évidente est d’être plus rapide que son adversaire. S’entraîner et s’entraîner encore pour être capable de faire en un même laps de temps plus de gestes que l’autre et donc pouvoir décider de l’issue du combat. C’est l’aïkido athlétique, musculaire que l’on peut voir un peu partout.
Une autre solution reposant entièrement sur la vitesse elle aussi, solution pratiquée dans certains dojos, est de clouer comme par magie l’adversaire sur la ligne de départ. Ainsi on peut se bercer de l’illusion que notre aïkido n’est pas une question de vitesse et pratiquer avec la plus grande lenteur possible. Il n’en reste pas moins vrai qu’il s’agit toujours de faire davantage de gestes que le partenaire.
Ce que le fondateur proposait n’est ni de courir plus vite, ni de clouer immobile le partenaire sur la ligne de départ, mais de choisir la ligne d’arrivée. Ainsi on ne répond plus à la question de la vitesse, on annule la question.
Le génie de l’aïkido est de forcer l’autre à faire plus de déplacement, plus de gestes, plus de gesticulations que nous et donc de le mettre systématiquement en retard puisque nous l’attendons sur la ligne d’arrivée.
C’est comme cela qu’il faut comprendre « Je suis toujours au centre de mon dojo, au centre de l’univers ». Si les deux duellistes se déplacent alors le plus rapide gagne. Si seul Tori se déplace il est forcément plus rapide mais cela n’a plus rien de martial. Si seul Uke se déplace alors il sera toujours en retard pour rejoindre une ligne d’arrivée déjà occupée.
Si l’aïkido était un 100 mètres, celui qui incarne à chaque instant la ligne d’arrivée est l’éternel vainqueur.